Ils suivaient les traces creusées par les Doigts depuis les temps où le paysage n'était encore qu'un point où tout résidait à l'état d'espoir. Au fond d'eux, ils portaient ce point toujours enfoui, et chacun — un monde — contenait l'espoir initial, ses premiers pas, ses premiers genoux écorchés, ses plus beaux rêves d'enfant, les premières gifles blessantes qui font rétrécir le monde ; ils avaient en eux les élans et les répressions brutales, la boue indifférenciée qui n'est rien qu'un magma sans nom attendant le déroulement d'un rêve ; ils avaient toutes les formes, froissées à l'état de fœtus, et la force de les faire grandir, toutes les directions, et une voix secrète pour leur indiquer laquelle suivre ; ils avaient des corps pour les aider dans leur univers de formes. Et ils pouvaient encore maîtriser la densité des lignes, passer leurs doigts dans les choses pour les faire parler ou les apaiser, les faire croître ou dormir. Ils écoutaient encore en eux et autour la voix claire du centre.



[Au commencement le monde • texte de Nathalie Lerendu-Brand • dessins de Miettte • page 2/8 • suite ]